Florence Bridenne

Le vieil homme a des yeux de fou, il n'avait jamais vu sa
plantation aussi colorée. Il jubile, danse et chante. Il
récolte pendant plusieurs jours tous ses fruits qu'il revend
aussi vite qu'il cueille. Un jeune étranger passe par sa
plantation à cheval et lui dit : quelle chance d'être
aussi riche ! Quelle chance de pouvoir bénéficier d'un
terrain aussi fertile ! Le vieil homme s'arrête et
lui répond : il y a vingt ans ce terrain était aussi
aride et désertique que le reste de la région. Je l'ai
labouré, j'ai planté les arbres fruitiers, replanté après
chaque sécheresse ou tempête, j'ai eu des moments où j'ai
tout voulu arrêter mais j'ai persévéré, tout tenté,
expérimenté, greffé même. Il y a dix ans, une tempête a
tout ravagé et j'ai tout recommencé. J'ai eu faim, soif,
froid, j'ai travaillé sous le soleil et sous une chaleur
accablante. Toi, tu arrives de je ne sais où, tu ne me
connais pas et tu penses tout savoir en un clin d'oeil tu
penses que je suis riche mais cette richesse est le fruit
de mon travail. Si tu pars sur les routes du monde dans
l'espoir de tomber sur un trésor, le cul sur ton cheval,
c'est ton droit. Cependant je vais t'apprendre une chose
aujourd'hui : où que l'on soit on peut créer une richesse,
sa propre richesse. Tout le monde a pensé que j'étais fou
en achetant ce terrain, ils ont appelé ce lieu la
plantation des illusions, mais ne serait-ce pas ceux comme
toi qui vivent d'illusions ? Le jeune homme lui répond
en riant : tu crois vraiment que je vais attendre vingt
ans pour être riche ? Je veux, comme tout le monde, être
riche maintenant et tout de suite.... Le vieil homme
lui dit : comment t'appelles-tu ? Le jeune
homme répond : Marceau Ivréa. Le vieil homme
s'écroule et meurt.
Florence Bridenne m'écoute
raconter ce rêve absurde, tout est un peu mystique ce soir,
les pièces sombres, les voiles dans le ciel, les chats dans
les arbres, l'incompréhension aburde entre les êtres, les
voix qui viennent de nulle part puis elle me dit sur un ton
banal mais voulu : et alors ? Cela ressemble à une
parabole plus qu'à un rêve. Vous êtes sûr que vous
n'inventez pas tout cela, vous prétendez avoir le syndrome
de l'imposteur mais je me demande si vous n'êtes pas tout
simplement un imposteur. Elle rit aux éclats. Je
crois que je vais vous dévampiriser, prenez trois
paracétamols trois fois par jour et vous verrez que cela
va vous passer ! Je lui dis : je sais
que vous ne parlez pas de moi. Ce rêve a dû vous
surprendre, non ? Vous savez qui est Marceau Ivréa,
n'est-ce pas ? Florence Bridenne est assise, le
regard intransigeant, de cette intransigeance maléfiquement
belle, une casquette rouge sur la tête avec comme
inscription Make America great again. Elle fait
semblant de rien. Le rêve est incertain, les images se
dépixellisent puis, après quelques minutes, tout redevient
normal. Les couleurs, les silences, les chats qui
gazouillent dans les arbres. Elle répond enfin : non,
je ne sais pas qui est ce Marceau Ivréa ? Un
colon ? Un jésuite ? Mon aussi je rêve, I have a
dream ! ... But first, money. Mes rêves sont d'un autre
niveau. Je vais vous les raconter : une nuit, dans un
rêve, pour soigner celle qui semblait m'aimer, devenue
aussi froide qu'un vampire - je lui préconisais trois
paracétamols trois fois par jour et contre toute attente
cela fonctionna. Elle m'expliquait que pour
dévampériser il fallait du paracétamol, je n'étais
pas surprise, je ne le savais tout simplement pas.
Pour mieux raconter son rêve, elle se lève et récite, mime
les scènes. Le lendemain c'était son anniversaire, je
lui ai commandé une belle piscine mais elle ne s'amusait
pas, me répétant qu'il n y a rien d'amusant à être dans
l'eau. Elle voulait manger, j'ai donc appelé le Maire du
village dont le nom m'échappe. Sa femme venait de faire
une fausse couche, mais l'enfant survécu, ce qui est un
fait rare paraît-il. Mon vampire doutait de moi, je
scandais que je n'étais ni homme ni femme, elle n'y
croyait pas un mot sans savoir si j'étais homme ou femme.
Elle voulait revenir à la maison car elle avait trop de
choses dans les poches, mais ce n'était pas le genre de la
maison en revanche elle pouvait faire un concert. Sa
mère apparut : dramatique. Plus mon vampire jouait plus sa
mère rajeunissait. Son jeu visiblement, n'était qu'une
expérience à vivre, mais cela l'effrayait. Si
effrayée qu'elle en mourut, encore....moi j'avais
l'habitude. Un vampire ne meurt jamais longtemps, mais
c'est toujours spectaculaire. J'expliquais à sa
mère qu'il fallait que je la ramène à la vie, elle se
fâcha et me hurla dessus en disant qu'il fallait que je
trouve une explication pour l'aimer. Je n'en n'avais pas,
je n'en trouvais pas, je me souvenais juste qu'un jour
elle avait peint un céleri en rouge et qu'elle me l'offrit
en guise de coeur, ce qui m'avait étonnamment et
énormément touché parce que personne, personne
n'avait fait une chose pareille pour moi. Sa mère comprit
mais mon vampire semblait trop humaine désormais, je lui
proposais d'avoir des vicissitudes et de mauvaises pensées
car cela ne me convenait plus. Déconnectée elle me fit oui
mais n'en fit rien. Elle préféra faire une crise d'asthme
et mourût à nouveau. Devant si peu de tristesse je la
laissais là oubliant totalement pourquoi j'aurais donner
ma vie pour un être immortel aussi indécis.
Je me sers un whisky sans
glace. Les voix sont de plus en plus fortes, une cacophonie,
j'ai les mains qui tremblent et je dis :
je pense
qu'on va s'arrêter ici. J'aime beaucoup vos énergies mais
tout cela me fait perdre mes équilibres. Mille excuses.
Florence Bridenne garde le silence, me regarde d'un oeil
moqueur, ça me fait rire. Elle me fait rire aux éclats. Elle
se lance :
ce que je ne comprends pas dans votre
rêve, c'est pourquoi le vieil homme meurt quand il apprend
le nom du jeune homme à cheval. Je me lève, le salon
est plus petit que je l'imaginais, je regarde à travers la
fenêtre, un jeune homme tout vêtu de blanc traverse le
jardin, la raquette de tennis à la main, il s'approche des
courts, il espère trouver un partenaire de jeu, il s'assied
sur un banc, voudrait qu'on lui propose une partie mais il
est invisible et n'ose pas demander, il craint qu'on joue
avec lui par pitié, le jeune homme lève la tête et m'observe
au loin, je fais deux pas en arrière, je ne sais pas
pourquoi j'ai fait ça, je tombe en arrière, la tête frôle
une table basse en verre fumé. Florence Bridenne m'aide à me
relever. Elle me ressert un verre de whisky, du regard elle
insiste, elle veut que je réponde à sa question. Je lui
dis :
le jeune homme... Marceau Ivréa, le vieil
homme était aussi Marceau Ivréa. Exactement comme je viens
de me voir par la fenêtre. On ne devrait pas boire de
l'alcool dans les rêves. Mais regardez là-bas derrière les
courts de tennis, regardez les champs... des hectares
de champs fleurissent à l'improviste, des champs de céleris
rouges,...
Qui est Florence
Bridenne ?
Florence Bridenne est née le 14 avril 1991 à
Antananarivo, capitale de Madagascar, victime de la Malaria,
la maladie sera une amie quotidienne. Arrivée en France et
globalement soignée, elle se passionne très jeune pour les
arts et notamment la peinture et les relations entre
artistes et public. Après trois années de droit, elle se
dirige vers l'institut Catholique de Paris en suivant
parallèlement les cours du soirs de L'Ecole du Louvre.
Diplômée d'un Master en Médiation Culturelle et Métiers de
la Culture, c'est la Galerie Matignon qui lui ouvre les
premières portes du milieu de l'art. Fascinée, elle prend
des cours de dessins, de musique, de danse, de théâtre. Peu
à peu elle se passionne pour les voyages, expériences qui la
rendra de plus en plus critique par conviction plus que par
volonté, par le monde qui l'entoure. En 2016 elle est
chargée de communication pour le Festival Les Pluriels, puis
celui de la Jeune Photographie Européenne au 104, enfin elle
signe un partenariat avec le Musée de l'Homme et de
l'Immigration et devient l'année suivante Manager d'Artistes
pour la Scène Nationale du Havre. Elle fonde en 2020 le
Collectif Monarchs avec l'artiste polonais Piotr afin de
mettre en relation les artistes et les structures tout en
signant quelques critiques - gratuitement - durant la
période Covid. Enfin, amoureuse de la musique, de cinéma et
d'objets d'Arts, Florence commence une collection afin de
créer une oeuvre qui n'a pas encore de nom. Gardant
frénétiquement photographies, affiches, écrits sur
l'astronomie, disques collectors et tableaux d'artistes
vivants, Florence souhaite établir des liens plus courts
entre l'artiste et l'acheteur. Engagée, elle est membre
d'Amnesty International France et co-présidente d'ASEA, qui
vient en aide aux enfants de Madagascar. Elle milite
également pour la sauvegarde des Océans et affiche
clairement ses positions en étant sur la liste électoral du
Parti Animaliste Havrais.
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