Łukasz Zwoliński

Dans le rêve, je suis à Opole, petite ville du sud de la
Pologne. La date apparaît clairement sur plusieurs endroits
de la ville : 19 août 2020. J'entends des tirs d'armes
à feu, je cours, derrière un mur, des militaires viennent
d'exécuter Federico García Lorca, les fascistes tuent
toujours les artistes et les homosexuels. Je ne peux rien
faire, je ne peux qu'assister et entendre les rires des
soldats. Eux qui pendant plusieurs jours l'ont torturé. Il
avait écrit que rien n'était plus vivant qu'un souvenir.
Que dire des rêves ? Ne sont-ils pas plus vivants que
les souvenirs ?
Pendant longtemps, j'ai cru
que le monde s'améliorerait, puis j'ai vécu le point de
bascule et tout semble se désintégrer, partout dans le
monde, en Europe aussi, en Pologne. Le paysage en face de
moi essaye de me contredire. Je suis berger mais pas
bucolique. Tout est calme, la nature, des champs à l'infini.
Tout était calme et infini aussi entre Viznar et Alfacar.
Puis, un déclic, des inattentions, des perversités
politiques qui jouent le jeu des pressions, clientélismes,
conflits moraux et tout bascule. Opole est silencieuse.
Derrière son apparente morosité, la ville régénère le monde.
Dans le rêve, je n'ai plus
dormi depuis une éternité, je marche fatigué, épuisé, je
bâille, je m'arrête tous les deux pas, comme sous le poids
d'une oppression. Je m'endors dans le rêve, je rêve d'un
serpent jaune et noir qui passe sur mon corps, il m'observe
et repart. Je me réveille, je me lève. Quelqu'un me prend
par le poignet. Un policier ? Je me retourne : un
beau jeune homme aux longs cheveux me sourit et ne me parle
qu'en vers, en français : foi privée, débordement
douteux. L'homme cherche des questions, bien qu'il
connaisse déjà la réponse. Quand je lui dis de faire
attention, que j'ai vu l'exécution du poète espagnol, il me
répond qu'il est au courant de tout. Il me dit : cela
peut paraître étrange mais je rêve souvent de me promener
avec un homme plus âgé. Il a lâché mon poignet. Je me
présente : Patrick Lowie, docteur ès songes de
l'Université de Mapuetos. Il se présente à son
tour : mon nom Polonais est Łukasz Zwoliński, vous
pouvez m'appeler Luke. C'est où Mapuetos ? Je
garde le silence, effrayé encore par l'exécution et par le
serpent. Il poursuit : j'ai toujours fait des rêves
où je vivais une vie privilégiée, mieux qu'ici. J'ai été
souvent brutalisé quand j'étais enfant, mes rêves me
parlent de cette époque, et ma survie était de rêver de
fuir, aujourd'hui je continue d'espérer vivre ailleurs. Je
rêve souvent de vivre aux États-Unis, c'est quelque chose
de fou parce que c'est comme si j'avais un lien très fort
avec ce pays. La pluie s'abat sur nous, l'Oder devient
rouge, Luke crie : ce n'est plus un rêve mais un
cauchemar ! J'essaye de le rassurer, je sors les
cartes de tarot de mon sac à bandoulière, on s'assied sous
un arbre, je tire trois cartes : vous vous sentez
perpétuellement trahi par les hommes. C'est
compréhensible. L'amour triomphera toujours. N'oubliez
jamais qu'aimer est aussi un acte politique.
Un homme au sourire
mélancolique s'approche de nous, il dit : vous
ne croyez pas que les seuls poètes, les seuls qui
réalisent vraiment une nouvelle poésie, c’est nous, les
peintres ? (1) Et part en riant. Łukasz
Zwoliński subit la scène, dépité par ces éléments
anachroniques. La pluie cesse, un arc-en-ciel surgit du cœur
de Opole. Avant de partir, il faudra chasser la haine,
lui dis-je. Il me répond par un : même si le bol
est vide, les gens en larmes restent silencieux.
Je quitte Opole, je me retourne, j'observe le jeune homme
peindre sur des toiles qui couvrent la ville. Il s'envole
enfin, vers Los Angeles.
(1) Extrait d'une lettre
écrite par Salvador Dalí à Federico Garcia Lorca
Qui est Łukasz
Zwoliński ?
Mon nom polonais est Łukasz Zwoliński Je suis né
le 28 avril 1998 à Opole, une ville située au sud de la
Pologne à soixante kilomètres de la Tchéquie. J'aime
beaucoup écrire, peindre. Mes intérêts sont la
politique, le design d'intérieur et l'art en général.
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